Prise au vent

Quel point commun avec l’infiniment petit ? L’infiniment grand des paysages alpins peut-être. Ou bien le rapport conflictuel du vélo face au vent, l’anémochorie sportive. Peu importe si je tente de m’élever vers le sommet des cols sur un vélo, ou si je passe du temps à genoux avec un appareil photo, le rapport au mérite reste le même. Il faut se remettre en question, ne rien considérer comme acquis, sinon la sanction est immédiate. Apprendre de ses erreurs. Cibler le travail à accomplir. Comprendre son corps et son matériel. Repousser les frontières pour connaître les limites des faiblesses.

L’évolution du matériel aussi. L’avènement de l’air du carbone pour les trépieds ou les cadres. La légèreté et la rigidité d’une matière noble, qui apporte un réel avantage en précision, stabilité et performance. L’omniprésence de la technologie ultra-connectée qui tend à remplacer cet instinct primaire qui fait la force du règne animal. La vulgarisation de la photographie par la puissance des logiciels, ou du cyclisme par l’assistance des moteurs électriques. Tous ces objets qui deviennent des faire-valoir simplement parce qu’ils sont arborés autour du cou, ou qu’ils portent vers les sommets en limitant l’effort.

Nous sommes ce que nous lisons, ou mangeons. Nous sommes aussi ce que nous photographions, et les kilomètres que nous parcourons. Comme la lumière perçante des contre-jours, ces disciplines ont un pouvoir mystique qui révèle ce qui se cache en nous. La sensibilité, ou la résistance. Cette profondeur qui fait du corps humain une machine perfectionnée et complexe, dont il faut savoir prendre soin.
La photographie, sans artifice ni maquillage. Et le cyclisme, sans tricherie ou assistance quelconque. Deux piliers qui motivent ma vie. Deux forces qui m’ont enseigné la volonté et la patience. Un état de quasi narco-dépendance qui repousse au quotidien le seuil de tolérance de mes ressources physiques et mentales.

« Puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l’os, et sucer la substantifique moelle. »
— François Rabelais - "Gargantua"
Portrait de mon vélo de route

Portrait de mon vélo de route