Diamants éternels
“Mon nom est Mond, Ray Mond !” Non promis, le clin d’oeil au célèbre agent secret de Ian Fleming se limitera au lointain vestige de cette blague “carambar”. Quant au titre, il est moins honteux car il fait référence aux “cailloux”, à ces cylindres de verre indissociables de la photographie, les objectifs.
Pour un terrien, s’intéresser un minimum à la géologie revient à connaître les grandes lignes de l’Histoire nationale pour chaque résident d’un pays. Le diamant est peut-être le minéral le plus connu pour sa valeur et sa rareté. Son étymologie grecque et latine décrit un corps d’une extrême solidité, le matériau naturel le plus dur. Il s’est formé il y a 3 milliards d’années à plusieurs centaines de kilomètres sous la croute terrestre. Les pressions élevées et les fortes chaleurs ont cristallisé ce dérivé du carbone. Mais en sachant que le diamant peut découper le verre, il devient hasardeux de le comparer aux objectifs photographiques. Sauf si le parallèle s’attarde sur la pureté du verre, et la qualité de fabrication.
Si les diamants sont les meilleurs amis de la femme selon Marilyn Monroe, les objectifs devraient être ceux du photographe. Avec l’avènement de l’air numérique, la guerre entre fabricants s’est souvent limitée à une course aux mégapixels, au détriment de la culture des optiques. La résolution des capteurs a pris le pas sur la définition de la photographie. Un raccourci qui a contribué à vulgariser la discipline avec son ouverture au marché de masse. Cela reviendrait à vendre une voiture de sport dotée d’un puissant V12 avec des pneus bas de gamme. Un non sens ! Un capteur modeste fera des images bien plus piquées avec une optique de qualité, que l’inverse. Pourtant, lorsque je m’attarde quelques minutes pour observer les pratiques des photographes et leur équipement, ou ce qu’il est possible de lire sur le net, je ne peux m’empêcher de penser que la photographie souffre de cette “malbouffe” qui frappe la gastronomie.
Les objectifs sont fascinants, en particulier lorsqu’ils sont fabriqués avec le soin qu’ils méritent car ils ont le pouvoir de traverser les âges pour devenir éternels. Fusion, lave, métamorphisme ! Cette puissance qui a façonné la pureté du diamant et celle du verre dans les forges magmatiques du dieu Vulcain. Comment ne pas admirer la simplicité d’une focale fixe qui s’illumine comme un cylindre de lumière. Ils agissent comme des prismes au travers desquels il est possible de découvrir une vision différente du monde. Bien que certains distordent les perspectives, ou compriment les plans, ils interprètent la réalité avec leurs qualités et défauts, sans jugement de valeur. Ils permettent de voir plus près devant notre paillasson. Ou plus loin, au-delà du bout de notre nez. “Oh capitaine, mon capitaine !”, montez sur le bureau, et admirez la salle de classe du professeur Keating d’un angle nouveau.
Les optiques sont les gardiens de la photographies, les bras armés de la première ligne. Ils encaissent pour ne restituer que le meilleur. Ils filtrent la lumière pour protéger et épargner la surface sensible. Ils complètent ainsi la vision humaine à laquelle ils apportent la sagesse d’un oeil neuf.
« L’appareil photographique, c’est l’œil au bout des doigts. »
La digiscopie est une technique photographique utilisant une longue vue à la place d’un objectif classique