Talent anonyme du quotidien
Certains sujets nous touchent plus que d’autres, malgré leur apparente banalité.
Un bigorneau. Quoi de plus commun que ce petit mollusque marin. Un nom franchouillard, peu précieux, n’évoquant aucun passé glorieux, aucun exploit. Et pourtant.
Le bigorneau m’intéresse parce que je le classe dans une catégorie théorique à laquelle je suis sensible, celle des talents anonymes du quotidien. Je la définirais comme la maîtrise d’un solide savoir-faire, s’opposant à la molécule jetable à usage unique de notre société de consommation. Le durable résistant à l’éphémère.
Dès leur naissance, ces petits coquillages luttent pour leur survie, contre vents et marées. D’une taille insignifiante, ils n’ont aucun poids physique à opposer à la force dominante des éléments climatiques qui déchainent leur milieu naturel en hiver. Ils subissent la houle, affrontent des vagues qui les propulsent contre les rochers. Si la solidité de leur carapace leur permet de survivre au choc, ils seront soumis à un sort incertain, d’une durée souvent aléatoire. Certains se retrouveront ainsi isolés sur une terre ferme qui leur est hostile, au sec et sans eau. Ils devront patienter pour des conditions plus favorables, faisant preuve d’une respectable force de caractère. Une nouvelle vague, peut-être libératrice. A condition bien-sûr que cette lame salvatrice ne les explose définitivement contre une parois rocheuse qui aura eu raison de leur détermination. Pourtant, ils survivent, grandissent et assurent la pérennité de leur espèce. Dans l’anonymat de leur taille ridicule.
« Alors je jetai les yeux sur le navire échoué. Je considérai comment il avait été possible que j’eusse atteint le rivage. »
Un bigorneau juvénile posé sur un rocher