Plume de calligraphie
Deux créations de l’Homme sont ses plus belles réussites. Le foot, et le Fanta ! Non, je plaisante bien-sûr. Quoique la commercialisation du Fanta sans bulle a le mérite de limiter les rots des voisins à la mi-temps. Je pensais d’avantage à l’écriture, et aux chiens. N’ayant pas de chien, mais des pouces opposables, je me limiterai à la première en faisant une distinction entre le verbe écrire et l’écriture.
Ecrire est une empreinte universelle qui rend tout possible. Pour preuve, je suis devant mon écran à me gratter bêtement la tête en imaginant que les mots et les idées apparaîtront plus simplement ainsi. Quand les pouces opposables sont occupés, les autres doigts de la main prennent le relai pour trouver l’inspiration. J’ai appris à écrire à cause de l’école. “A cause“ et non “grâce” parce que j’ai eu tendance à subir la dureté des bancs de classe, une rigidité physique et morale. Concrètement, j’avais les mêmes soucis de digestion qu’un rat mort tout au long de ma scolarité. Mais du moment où la logique des lettres s’offre à notre compréhension, le monde s‘ouvre à nous ! Ou plutôt une vie parallèle car elle est exclusive à chacun, en fonction des prédispositions et des passions. L’histoire, la géographie, la science, l’art, la culture, ou les bêtises des programmes politiques. Du simple pense-bête collé sur une porte de frigo, à l’odieuse formule mathématique d’une bombe H, en passant par les textes sacrés millénaires sculptés sur des blocs de granite. Ecrire est le témoignage de la pensée à travers les âges, spécificité commune à toute civilisation riche d’une histoire.
L’écriture est l’ensemble des symboles concrets matérialisant l’action d’écrire. Pour les plus naïfs, ou fainéants, cette dernière implique de savoir lire. Et oui, certains forfaits imposent des options obligatoires, une taxe de mise en service de la ligne. Etant sensible aux considérations esthétiques, je me limiterai aux critères de beauté. Avoir une belle écriture ! Ou écrire comme un chat. Une remarque d’autant plus injuste que si un chat avait mon écriture, il ferait des millions de vues sur youtube. Alors que moi aussi j’ai fait le million, mais en lignes à copier à cause de lui. Aujourd’hui, il existe des standards industriels qui ont généralisé l’écriture, notamment depuis l’imprimerie, les machines à écrire ou les traitements de textes sur ordinateur. Malgré le choix infini de polices différentes, elles ne remplaceront jamais la pureté de l’écriture manuelle, en particulier celle de la calligraphie. Je suis en admiration devant le talent nécessaire pour maîtriser ces plumes (et non poils de chat, hein !). La subtilité de ces pointes biseautées permettant de designer la moindre virgule. A l’image de certains éclats de pétales. Comme si une plume de calligraphie, de sa pointe invisible et précise, avait composé une symphonie pastorale aussi éphémère que fragile. Et ce n’est pas un hasard si je suis hypnotisé par la beauté insaisissable des hiéroglyphes de l’Egypte, ou les écritures cunéiformes de Mésopotamie. Le génie humain peut terrifier par sa noirceur, ou émerveiller par son ingéniosité pratique. La patience des scribes, l’habileté des moines copistes, ces artistes de l’écriture dont le travail a traversé la nuit des temps jusqu’à nous. Pour ma part, je ne retiendrai du XXème siècle que la subjective et modeste contribution du baron Bich. L’offense suprême faite aux écoliers de glisser une bille de récréation dans les stylos de devoirs scolaires, et de punitions linéaires.
Ecrire est magique ! Comme respirer ! A bien y réfléchir, respirer est aussi un reflex miraculeux. Et si l’écriture était un miracle dont l’usage quotidien a banalisé la magie ? Sans l’écriture, vous ne pourriez pas me lire, connaître ma pensée sans me voir ou m’entendre. Sans l’écriture, je n’aurais pas cette thérapie à portée de main ou de clic pour retrouver de la légèreté en lâchant du lest. Sans l’écriture, il n’existerait pas de passerelle spatio-temporelle pour lier les strates de sédimentation de l’histoire de l’humanité. Sans la généralisation de l’écriture par l’imprimerie de Guntenberg, nous serions toujours plongés dans une ère obscure et moyenâgeuse qui réserverait le savoir à une élite favorisée. Malgré les progrès des technologies de communication, il sera compliqué de mettre au point une technique aussi prolifique pour lier les atomes d’esprit entre eux. Si écrire était une pensée, alors l’écriture en serait l’enveloppe charnelle. Et les livres une anémochorie littéraire.
« C’est de lui que nous vient cet art ingénieux de peindre la parole et de parler aux yeux. Et par les traits divers de figures tracées, donner de la couleur et du corps aux pensées. »
Stellaria media est une minuscule fleur blanche aussi appelée mouron des oiseaux, ou morgeline