Au hasard de l'inspiration

 

L’inspiration, un idéal artistique étrange, sublime, et cruel. Parfois coulant de source. Souvent aussi stérile qu’un désert de sable sur lequel ne pousse que la volonté s’obstinant à découvrir une voie de secours pour pouvoir s’exprimer. L’inspiration est le sucre divin décrit par Coluche: “Dieu, c'est comme le sucre dans le lait chaud. Il est partout et on ne le voit pas. Et plus on le cherche, moins on le trouve.” Il existe tant de sujets sur lesquels je souhaiterais écrire, et pourtant si peu d’idées me viennent à l’esprit. Parfois un simple mot, et les phrases s’enchaînent naturellement. Ne reste alors que le choix d’une image d’illustration. D’autres fois, la photo s’impose d’elle-même. Suit alors le cortège funéraire des mots tant il est douloureux de s’extirper les tripes pour décrire ce que l’on ressent devant une scène. Cet exercice de style m’a permis de comprendre la différence abyssale qui existe entre l’acte de photographier, simple et anonyme au final, et la difficulté d’écrire pour retranscrire une pensée. Epuisant, mentalement usant ! Pour se remettre sur les rails, il faut privilégier la simplicité. Puis progresser lentement, en se reposant sur les automatismes de base.

Le titre. Il résume l’incertitude de la création, et l’équilibre précaire qui existe entre l’auteur et son sujet. Cette relation est aussi profonde qu’houleuse. Une mer d’huile sur laquelle la proue glisse, aussi tranchante qu’une lame aiguisée sur un flan pâtissier. Puis la complicité éclate en tempête océanique, martelant les caramels à la fine fleur salée, pour assener le coup fatal avec une légendaire vague scélérate s’écrasant lourdement sur le pont. Il est alors impossible de passer en force. Mieux vaut lâcher prise, et se laisser paisiblement dériver le temps que passe l’orage.
La photo d’illustration. La première d’une série de nouveautés du portfolio. La rencontre fortuite avec un sublime papillon “maculinea azuré”. Une mise au point manuelle en mode “advienne que pourra”. Une mesure de l’exposition “un café, l’addition”. Puis un seul et unique déclenchement tant son apparition fut furtive. Un déclic expédié avec le même désespoir qu’une passe “Avé Maria” de foot US. Cette beauté est le véritable voleur de couleurs de Kodak, avec lequel seul un slogan pas piqué des chenilles pourrait avoir un déclic d’avance.

Le texte. Une manière d’exorciser la situation embarrassante d’un soir au cours duquel j’ai passé plus de temps à promener mon carnet d’une jolie couleur orange DDE, au détriment d’une plume d’un vert pistache délicatement gourmand. Les chiens se promènent en levant la patte pour délimiter leur territoire. A défaut d’être toujours aussi souple, je contourne cette faiblesse anatomique en décapuchonnant ma plume pour faire couler l’ancre. L’écriture serait donc d’inspiration bestiale sous une lumière de réverbère ! Pour résumer, battre le fer implique parfois qu’il faille commencer par le pavé.

L’inspiration n’est pas un long fleuve tranquille. Elle serait une mer alternant les humeurs. Une succession d’ondes calmes ou perchées. Elle se fait attendre sur un rivage qu’elle n’a de cesse de modeler et transformer à sa guise. Une femme sachant se faire attendre pour attiser le désir. Une garce qui s’approche, nous quitte, rebrousse chemin, puis nous abandonne à nouveau au rythme du ressac. Un jeu sadique du chat et de la souris, l’étreinte inexorable de l’érosion sur le relief et la matière. Ou l’usure des semelles de chaussures sur le bitume en ce qui me concerne. Une anémochorie de la pensée et de la création qui n’a de cesse de me faire déambuler la tête aux antipodes.


« Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations. »
— Milan Kundera

Un papillon bleu maculinéa azuré

Un papillon bleu maculinéa azuré