A quatre pattes
Etre à quatre pattes, un comble pour un trépied. Mais il n’a pas à se plaindre: même en ayant les jambes raides, il est plus souple que moi, et il ne grince pas autant en se dépliant. “Un partout, balle au centre”. En cette période de contestation sociale, mieux vaut poser clairement les bases d’une collaboration professionnelle, d’autant plus que le rapport qu’entretient la France avec le principe de grève s’apparente à celui d’Obélix avec la potion magique. Enoncer les règles du contrat, en évitant de glisser discrètement l’incontournable Front de Libération Nationale des Clauses qui remet tout le reste en question. Astérisque et péril camarade !
Ne vous fiez pas à l’image d’illustration: la macrophotographie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, ensoleillé comme une agréable journée de printemps. Ce serait trop simple, et trop ennuyeux. Bien-sûr, le printemps est spectaculaire. Il s’agit d’un feu d’artifice de vies, de formes et de couleurs. Un photographe ne peut se permettre de rater une telle période de richesse et d’opulence pour la faune et la flore. A l’échelle d’une année solaire, il s’agit d’une course éphémère contre la montre afin de survivre au feu et à la glace des saisons suivantes, et assurer ainsi la pérennité des espèces. Même si cette période de renaissance est la saison la plus connue de Vivaldi, certainement grâce aux messages d’attente interminable des organismes administratifs, il n’y a pas non plus de quoi casser trois pattes à un froid de canard.
Justement, l’hiver me touche d’avantage. Il vit toute l’année dans mon lecteur, compressé au format MP3, et il ne me donne jamais l’impression d’avoir été mis en suspend par une plateforme téléphonique. L’hiver est un caractériel sans compromis. La bise de son salut matinal est un étau redoutable, aux mâchoires carnassières. Posez la question à la cigale ! Les sujets à photographier sont aussi rares que la nourriture pour les créatures qui ne sont pas en hibernation. Mais chaque découverte émerveille d’autant plus en période de jeûne et de carence. La moindre miette que ce régime numérique met sous la dent de mon objectif se transforme en festin magique. Nul besoin de bûche glacée pour réveillonner lorsque une fleur apparaît au milieu d’un champs de givre, transformant un casse-dalle sommaire en menu étoilé.
Le respect du travail passe par celui du sujet. Le stress est double. Il faut travailler vite, sans bâcler la qualité des images, tout en veillant à ne rien abîmer au sol. Je passe souvent d’avantage de temps à positionner mon trépied en veillant à ne rien écraser. Il faut reconnaître que si la clef se trouve au sol, je m’impose une démarche de “rat d’opéra”, à défaut de rat des champs. Je sautille d’un cadrage à l’autre, en faisant des pointes pour me jouer des épines. J’arpente, je découvre, je photographie entre une pirouette et deux pas de bourrée, sur un air de ballet de Prokofiev. “Pierre et le loup” en période de chasse.
Dans le roman “Da Vinci Code” de Dan Brown, le “Saint Graal” est expliqué par un subtile mélange d’étymologie, de sémantique et d’histoire. “Sangreal”: le graal serait le calice fécond qui aurait recueilli le sang royal de Jésus, c’est à dire Marie-Madeleine. Pour ma part, étant passionné de photographie depuis ma tendre enfance, je suis un véritable “sang lié” à cette discipline. Ou plus simplement, un “sanglier”. Après, il ne faut plus s’étonner de me voir trifouiller le sol avec un groin qui, à défaut de me permettre d’en trouver, me fait passer pour une truffe cherchant son bonheur sous les arbres. Seule la légèreté de ma maîtrise des pointes de ballerine m’épargne une nouvelle comparaison avec un gibier dont la grossièreté n’a d’égale que l’ardeur qu’il déploie pour tout détruire lors de ses escapades gourmandes.
Loin de creuser et retourner la terre sur laquelle je voyage en orbite autour du soleil, la macrophotographie me donne l’impression d’ausculter au plus près le carénage d’un boulet fendant le vide l’air de rien. Une aventure à l’image de celle du baron de Münchhausen chevauchant sa sphère noire. Un travail de surface au plus profond du minimalisme vivant. Cette fragilité confiée à la discrétion de chacun des petits pas pour l’Homme, comme autant de pas de géant dès que cette vulnérabilité est épargnée pour le bien-être de l’Humanité.
« L’homme a commencé par voyager à quatre pattes, puis un beau jour, sur deux pieds, puis en charrette, puis en coche, puis en patache, puis en diligence, puis en chemin de fer. Eh bien, le projectile est la voiture de l’avenir, et à vrai dire, les planètes ne sont que des projectiles, de simples boulets de canon lancés par la main du Créateur »
Mise en place du matériel de macrophotographie dans un champs