Clôture de compte

 

Mais non, ce n’est pas une manière d’annoncer la fermeture définitive du site. Juste une “fake news” de mon titre, voir une maladresse de sa part, ou bien une mauvaise blague. Déjà que nos déboires ont fini par nous interdire un bon pastis de comptoir à Marseille. Si en plus les titres veulent se faire plus gros qu’ils ne sont, telle la grenouille de de La Fontaine qui se rêvait boeuf, c’est nous qui allons finir par avoir notre compte.

Après quelques mois d’un décompte de retard, je profite de ce billet doux pour présenter la mise en ligne de nouvelles photographies dans le portfolio. Gérer un terrain, aussi limité soit-il avec ses trois petits hectares, n’est finalement pas une activité de tout repos, surtout pour le préparer pour de futurs projets. Même si je souhaite le maintenir dans un état sauvage, afin de sauvegarder un éco-système riche, il est impossible d’éviter toute intervention humaine. En cela, l’usage d’une débroussailleuse est en totale contradiction avec une photographie naturaliste respectueuse du milieu naturel qu’elle explore en toute discrétion, sur la pointe des pieds. Discipliner le sauvage est contre nature à plus d’un titre (tient, encore lui…). J’ai beaucoup de mal à assumer le devoir, pour ne pas dire le droit, de contraindre la liberté, alors que j’ai passé des années à m’émerveiller en photographiant le désordre des saisons (lire “Coiffeur paysagiste”). Les hautes herbes ondulent au grè du vent depuis le printemps, et je ne les couperai pas tant que la vie y foisonnera. Oui je sais, je suis un gestionnaire lamentable ! Mais l’idée de cette médiocrité me plait assez je dois l’avouer.

Les derniers mois se sont résumés à une course contre l’explosion de la vie, pour limiter l’envahissement de certaines plantes. Alors que jadis, je piétinais d’impatience à la simple évocation d’une végétation revigorée par le retour des beaux jours, aujourd’hui je crains cette étape car elle bouscule de futurs projets. Quelle tristesse ! J’aurais tout de même appris beaucoup, comme la technique pour remonter des murs de pierres sèches centenaires, indispensable à l’installation d’une future clôture. Tu parles d’un apprentissage, en totale contradiction avec la découverte de l’originalité de toute forme de vie que m’ont apporté mes images, et cette admirable et obsessionnelle force de création indispensable pour repousser les barrières imposées par l’Homme. Pourtant, la motivation est respectable: limiter l’introduction humaine bien-sûr, mais aussi et surtout celles des sangliers. Pour ne pas dire des cochons sauvages tant ces derniers prolifèrent. Mais à qui la faute ? Le sanglier fouisse, et favorise ainsi l’éclosion des plantes cachées sous le tapis d’humus. Le cochon creuse, souvent jusqu’à une trentaine de centimètres de profondeur. En une nuit, il est capable d’éventrer un terrain de long en large, et en travers. J’ai choisi la citation de William Shakespeare qui conclut ce texte en pensant à ces porcs qui font leurs besoins là où ils mangent: il suffit juste de remplacer “amour” par “cochon”. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’amour est proche de la haine ? Un sentiment d’amour vache envers un animal qui ne me ressemble pas, et qui me dérange.

A l’heure où le petit monde de la photographie s’auto-électrise en se demandant si il faut abandonner les anciens boîtiers réflex, pour basculer vers la modernité de la nouvelle visée électronique (un débat aussi inutile et stérile que celui qui enflamma la transition argentique-numérique), j’aimerais tant souhaiter pouvoir me limiter à une visée purement photographique, celle qui prolonge naturellement mon regard. Et ne plus songer ainsi à celui d’une arme à feu pour règler une problématique à laquelle j’avais la chance de ne jamais avoir été confronté par le passé. Une nouvelle fois, à qui la faute ? La question mérite d’être posée, en particulier lorsque la dernière manière de protéger un dur labeur passe par le viseur d’un fusil de chasse pour clôturer définitivement le sujet. En lui mettant le compte, facture arbitraire qu’il ne devrait certainement pas être le seul à payer.


« Des ailes légères de l’amour j’ai volé sur le haut de ces murailles, car des barrières de pierre ne sauraient interdire l’entrée à l’amour, et tout ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter. »
— William Shakespeare

Une fleur de mouron bleu. Certains botanistes précisent que le bleu est en fait un mouron rouge. Hmmm, mieux vaut finalement limiter le Ricard…

Une fleur de mouron bleu. Certains botanistes précisent que le bleu est en fait un mouron rouge. Hmmm, mieux vaut finalement limiter le Ricard…